La petite larme essuy�e, il va falloir se faire une raison : le Cherokee nouveau balaie d�un tour de roue l�image d�un 4X4 pas (tr�s) cher, rustique, bon � tout faire et d�licieusement "r�tro". Force est d�avouer que les designers chez Jeep furent plut�t inspir�s en dessinant la rel�ve de leur best-seller. Surtout de l�avant et vue de trois-quart, l�auto affirme une forte personnalit� et une r�elle esth�tique. La calandre aux in�vitables sept ouies verticales encadr�e de deux gros phares ronds, le double bossage du capot ainsi que les larges �paulements enveloppant les arches de roue sont bien dans l�esprit "maison". Bravo. Moins r�ussi, car franchement banal, l�arri�re reprend tous les poncifs en vogue sur ce segment de march� avec l�incontournable roue de secours ext�rieure centrale. De fait, cela ressemble � un cul de Land Freelander, de Kia Sportage voire de Toyota Rav4. Mais apr�s tout, cela �tait peut-�tre le but recherch�.

D�un gabarit sup�rieur � celui de son pr�d�cesseur, il mesure 4,49 m de long (mais seulement 4,20 m sans la roue de secours), 1,82 m de large pour 1,86 m de haut, barres de toit comprises, soit respectivement 25 cm, 7 cm et 16 cm de plus que l�ancien Cherokee. Son empattement est �galement sup�rieur, 2,65 m contre 2,57 m, de m�me que ses largeurs de voies qui, � 1,52 m, progressent de cinq centim�tres.

Sa silhouette franchement plus haute rompt d�finitivement tout lien de parent�. On est surpris, de profil, de la poupe qui semble comme tronqu�e. On a l�impression que l�on aurait pu faire plus long et optimiser ainsi le compartiment allou� aux bagages, compartiment qui, on le verra, se distingue malgr� tout par son volume. Cela dit, cette carrosserie appelle d�autres commentaires. Sa qualit� d�assemblage en effet, interpelle. C�est nettement mieux que par le pass� et m�me un cran sup�rieur si l�on compare avec les Grand Cherokee. Les "ouvrants" ne pr�sentent plus d�espaces disproportionn�s ou diff�rents, de m�me les panneaux qui tous sont parfaitement joints. Enfin, la peinture, quant � elle, ne souffre d�aucune critique.

Mais il est grand temps de d�couvrir l�habitacle. Nous avons d�chant�. Tout d�abord l�ambiance de cette version Sport coule dans une tristesse sans fond : le gris anthracite se dispute au noir �b�ne et ce n�est pas le tissu des si�ges vraiment bas de gamme au toucher qui sauve l�ensemble du naufrage annonc�. Car les plastiques sont du m�me mauvais jus : ils font "toc" et vraiment indignes d�un v�hicule � 200 000 francs. � revoir d�urgence. � l�avant, on trouve vite ses marques. La position de conduite est bonne, la distance aux coudes en largeur g�n�reuse et le volume laiss� au-dessus des t�tes bien sup�rieur � la moyenne. De plus, les surfaces vitr�es autorisant une visibilit� parfaite m�me vers l�arri�re contribuent � ce confort. Toutefois, l� encore, quelques b�mols. On regrettera ainsi l�absence d�un repose pied, g�nant car il n�y a pas assez de place entre la p�dale d�embrayage et le passage de roue pour y glisser une Weston, l�emplacement illogique des commandes �lectriques des vitres sur la console centrale entre les si�ges et surtout le manque d�accessibilit� aux places arri�re. D��vidence, les porti�res ne s�entreba�llent pas suffisamment (70cm d�ouverture seulement) et leur d�coupe p�nalisera les personnes de forte corpulence tout en salissant les bas de pantalons ou de robes lors des descentes, apr�s une bonne partie de tout terrain. Heureusement, une fois � bord, l�espace offert chasse ces "ombres". On y est bien, les longues jambes (merci l�empattement !) et larges �paules � leur aise. Trois adultes peuvent se risquer � prendre un ticket pour de longs parcours, la banquette (fractionnable 2/3 -1/3) n�ayant rien de r�dhibitoire.

Autre bon point, le coffre qui malgr� les apparences s�av�re profond, modulable bien s�r, et pratique avec un volume disponible variant entre 909 et 1951 dm3 selon la configuration choisie. On aurait � ce sujet aim� que l�assise une fois repli�e forme un plancher plat dans le prolongement du coffre. Or, ce n�est pas le cas et la hauteur disponible s�en ressent passant de 103 cm � 78 cm seulement derri�re les fauteuils avant. Bien vu en revanche, le portillon arri�re qui se maneuvre dans le bon sens (de droite � gauche et facilite le chargement c�t� trottoir) et la lunette ind�pendante que l�on actionne soit de la poign�e commune ou de la commande de verrouillage � distance.

Les rangements, certes suffisants, sont loin de verser dans l�abondance. Ainsi, la bo�te � gants ne pourra contenir plus d�un petit Larousse illustr� et les contre-portes plus de deux ou trois cartes Michelin. Les porte-gobelets avant / arri�re r�pondent � l�appel, mais pas les aum�ni�res de dossiers, du moins sur la version "Sport".

C�t� structure, le nouveau Cherokee adopte la formule qui contribua au succ�s de la pr�c�dente g�n�ration. � quelques (gros) d�tails pr�s. Si l�on retrouve une carrosserie monocoque autoporteuse (passablement renforc�e par deux solides rails inf�rieurs et par un arceau cage int�gr� autour de la cellule habitable) ainsi qu�un essieu rigide arri�re (suspendu cette fois par des ressorts h�lico�daux et guid� par trois tirants), l�avant donne dans l�in�dit. En effet, adieu essieu rigide, place aux roues ind�pendantes via une suspension � double triangulation, des ressorts h�lico�daux et des amortisseurs t�lescopiques � gaz, le tout �paul� par une barre stabilisatrice, barre �galement pos�e � l�arri�re. On en a profit� pour adapter une direction moderne � cr�maill�re, r�glable en hauteur, qui procure ainsi une bien meilleure pr�cision dans la conduite et un guidage plus s�rieux du train avant.

Aussi, d�une mani�re globale, Jeep a soign� l�aspect "s�curit�" de son Cherokee "new look". De s�rie, s�ajoutent aux deux airbags frontaux, deux coussins gonflables suppl�mentaires lat�raux formant � hauteur de t�te (ils sont int�gr�s dans la partie sup�rieure du pavillon) comme des rideaux en cas de choc.

Les cinq ceintures de s�curit� (� trois points pour la centrale arri�re) sont toutes � enrouleur et dot�es sur l�avant de limiteurs d�effort. On remarque �galement les ancrages Isofix pour les si�ges "enfant". Les freins toujours et curieusement mixtes (disques avant /tambours arri�re !) sont de plus forts diam�tres, mais l�ABS (avec r�partiteur �lectronique et retardateur de sensibilit� automatique en gamme "courte" enclench�e pour le tout terrain) n�est disponible que sur les finitions haut de gamme, "Jamboree" et "Limited". Dommage, on se consolera avec le diff�rentiel arri�re � glissement limit� ("Trac Lok") plut�t efficace. Reste que ce Cherokee 200l a pris de l�embonpoint :1891 kg pour le CRD, soit 320 kg de plus que l�ancien Cherokee TD Sport 5 portes ! �norme ! Et cela va, h�las, se traduire au volant.

Sous le capot, trois moteurs au choix : deux essence avec un quatre cylindres 2,4 litres de 147 ch (disponible ult�rieurement) et un nouveau 3,7 litres V6 extrapol� du V8 du Grand Cherokee fournissant 211 ch syst�matiquement associ� � la transmission automatique Selec Trac / 4WD full time. Sur notre cobaye du jour, qui sera sans l�ombre d�un doute le plus vendu sur l�hexagone, un turbo diesel quatre cylindres lui aussi in�dit, d�velopp� par Detroit Diesel (autrement dit par VM). Ce 2,5 litres (al�sage x course de 92 X 94 mm) poss�de un bloc fonte et une culasse en alliage d�aluminium coul� ainsi que toute la panoplie des temps modernes : double arbre � cames en t�te entra�n�es par courroie, 16 soupapes, arbres d��quilibrage contre rotatifs, turbocompresseur refroidi par intercooler et une injection directe de type " common rail " fournit 143 ch � 4000 t/mn pour un couple maxi fort g�n�reux de 343 Nm d�s 2000 tours. Ce qui n�est pas rien.

Malheureusement, la transmission qui transite via une bo�te manuelle 5 rapports, ne b�n�ficie pas du Selec Trac mais du Command Trac avec pont avant enclenchable. Non int�gral, notre Cherokee marque ainsi le pas vis-�-vis des SUV qu�il veut concurrencer. Toutefois, on ne peut pas dire que cette lacune p�nalise son agr�ment. Nous avons d�ailleurs �t� surpris, dans le bon sens, cette fois...

Contact, c�est parti. Le claquement caract�ristique du CRD, assez prononc�, ne se per�oit plus gu�re dans l�habitacle. Ouf ! D��vidence, on a bien filtr� le compartiment moteur. Si les commandes tombent toutes bien sous la main et le pied, elles se r�v�lent assez fermes, notamment au niveau de la p�dale d�acc�l�rateur tr�s pr�sente au bout de la semelle, de la direction entach�e d�un rappel prononc� � la limite de la lourdeur et du levier de vitesse (au dessin tourment�). Vaillante mais rugueuse, la m�canique n�aime pas les bas r�gimes. Et le fait savoir via les chiffres assombris par le poids � secouer : les reprises en 4^�me d��oivent car il ne se passe pas grand chose en dessous des 2000 tours. On pr�f�rera jouer sur les rapports et flirter avec la zone rouge pour tirer la quintessence de la cavalerie promise. Notre Cherokee se rattrape alors quelque peu en performances pures (15"3 pour le 0 � 100 km/h et un honn�te 163 km/h v�rifi�s par le GPS). R�gl� "sous-vireur", le Cherokee CRD affiche sur le bitume un comportement tr�s sain. D�accord, les trains avant et arri�re, � cause de leurs concepts oppos�s, m�nent parfois leurs vies chacun de leur c�t� comme au milieu de grandes courbes d�autoroute men�es rapidement. Mais cela reste toujours ma�trisable d�autant qu�il faut souligner leur parfait guidage. L�, gu�re de critiques � formuler : on s�inscrit bien en virage et les trajectoires demeurent exemplaires en toutes occasions � l�instar du freinage. Seul souci, l�amortissement un poil trop souple sur l�avant. On a voulu privil�gier le confort, un choix qui pourra parfois se traduire par quelques piochages intempestifs � l�extr�me. Si la direction ne "t�l�phone" gu�re, elle a le m�rite de bien absorber les in�galit�s de la chauss�e. On l�appr�ciera plus en ville o� malgr� son inertie, elIe procure une excellente maniabilit�. Globalement, on peut affirmer que ce nouveau Cherokee progresse de fa�on plus que significative par rapport � l�ancienne mouture (merci le train avant !) et s�en tire plut�t bien face � des SUV forc�ment plus aff�t�s sur ce terrain. Mais il n�a pas encore tout d�voil�....

On attendait �videmment notre bel am�ricain en off road. Vrai 4x4 au sens noble - l�embl�me Jeep, �a se m�rite ! - il y distance d�finitivement et en toute logique l�ensemble des SUV du march� que son marketing veut lui opposer. Son temp�rament de baroudeur s�exprime alors pleinement. On profite ainsi de son transfert remarquablement d�multipli� en gamme courte. On a �t� impressionn� (et rassur� !) sur ses prestations de grimpeur, ses facult�s � encha�ner les croisements de ponts, m�me si ses d�battements restent, disons, "moyens". Il puise aussi une certaine facilit� � enrouler l�obstacle gr�ce � ses angles d�attaque et de fuite, quasi identiques � ceux de l�ancienne g�n�ration. Ses grandes roues de 16 pouces parviennent � gommer en partie sa garde au sol relativement faible.

Comme il fallait s�y attendre, son train avant triangul� le p�nalise. On touche et on frotte fr�quemment. Il faudra se m�fier alors pour ne pas se laisser emporter par l��lan : sur piste � vive allure, le nez du Cherokee flaire d�un peu trop pr�s le plancher des vaches, malmen� par une suspension d�cid�ment trop souple pour l�exercice. Toutefois, malgr� son poids, on a �t� agr�ablement surpris par sa tenue en d�vers, preuve que l�auto est quand m�me bien n�e.

Enfin, on terminera cette premi�re prise en main par la consommation qui nous a laiss� perplexe. Malgr� la technologie moderne de son injection, le 2,5 litres CRD aime un peu trop le gazole :14,3 litres de moyenne relev�s au cours de l�essai (certes intensif) cela fait quatre bons litres de plus que la valeur normalis�e revendiqu�e par le constructeur. Le poids, encore ?

Jeep, et au-del� le puissant groupe Daimler Benz qui pr�side d�sormais la destin�e de la marque, a bien s�r de grosses ambitions sur le plan mondial pour ce Cherokee. En France, on esp�re en �couler 1500 environ sur une ann�e pleine dont 75% dans cette version CRD. "Seulement" serait-on tent� d��crire, car l�engin selon ses p�res "se veut polyvalent � l�extr�me, bien meilleur que les 4x4 traditionnels sur route, largement sup�rieur � tous les SUV en tout terrain". Alors, a-t-on enfin trouv� l�engin universel ? Loin s�en faut, Car il reste un d�tail non n�gligeable, son prix. Et dans le royaume, on n�y est pas all� avec le dos de l�Euro. M�me dans la nouvelle monnaie, cela laisse r�veur. Le ticket d�entr�e de gamme se chiffre (avec le 2,4 L essence promis courant 2002) � plus de 170 000 F dans la version de base, et le m�me en CRD frise la barre des 200 000 F ! Fini le temps o� un Cherokee s�apparentait � un 4x4 sympathique car bon march�. Et l�, le client risque de ne plus s�y retrouver. � trop vouloir jouer sur tous les registres, on finit par perdre sa v�ritable personnalit�. Il en va de m�me pour nos "chers" 4x4.

 Texte et photos extraits de "Passion 4x4" n�79 - ao�t 2001

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